Du Puy-en-Velay jusqu'à la Margeride

Voie Royale - Partie 1

Vue des marches de la cathédrale du Puy-en-Velay

La via Podiensis demeure le plus fréquenté des chemins de Saint-Jacques en France, empruntée chaque année par 30 000 jacquets, du printemps à l’automne. Cette « voie royale », inaugurée par l’évêque Godescalc en 950, part du Puy-en-Velay et rejoint le Camino Francés en Espagne. Même au cœur de l’été, au milieu des marcheurs-pèlerins toujours plus nombreux, la magie opère, avant d'entamer le second tronçon de l'Aubrac à Conques.

Vue intérieure de la statue Notre-Dame de France au Puy - TVattard

 

Incontournable Puy-en-Velay

Cathédrale du Puy-en-Velay, un matin brumeux de septembre, peu avant 7 heures. Des ombres se pressent dans les rues silencieuses, repérables à leur sac à dos et à leurs chaussures de randonnée. Toutes convergent vers les cent-deux marches menant à la nef de cette splendeur de l'art roman, classée au patrimoine mondial de l'Humanité. La messe quotidienne des pèlerins va bientôt commencer. Juste une trentaine de personnes sont là ce mardi, contre une centaine la veille. Elles cherchent un banc où s'asseoir dans un bruit de frottements rompant le silence solennel, cette petite musique des vêtements techniques du randonneur...

L'évêque est exceptionnellement remplacé par un prêtre du diocèse. Il y a des croyants et des non-croyants, mais la ferveur est forte, face au chœur où trône la Vierge noire, celle qui attira les premières foules de pèlerins, dès le XIIIe siècle, désormais supplantée par saint Jacques. Une belle statue de l'apôtre, en bois, a trouvé sa place contre un pilier. C'est devant elle que le curé réunit les pèlerins à la fin de la cérémonie, dans un échange chaleureux, en toute simplicité. Chacun dit juste d'où il vient, jusqu'où il compte marcher. Une minorité emporte une intention de prière déposée par des fidèles dans une corbeille. La lumière du jour entre par le portail grand ouvert sur la rue des Tables et cette Haute-Loire volcanique : il ne reste plus qu'à s'élancer, seul, en duo ou en groupe, dans les traces de l'évêque Godescalc qui inaugura en l'an 950 cette voie Podiensis menant à Compostelle, aujourd'hui le GR 65 jusqu'à la frontière franco-espagnole.

La plupart des marcheurs se sentent en terrain connu, car des liens se sont déjà créés la veille. Ils se sont croisés au verre de l'amitié offert chaque fin d'après-midi au Café des Pèlerins, d'avril à octobre. Avant, ils s'étaient mis en jambe en grimpant jusqu'à la statue monumentale de Notre-Dame de France érigée avec le métal des canons du siège de Sébastopol (1854-1855), puis au sommet du rocher d'Aiguilhe, piton sur lequel se dresse la chapelle Saint-Michel depuis plus de dix siècles. C'est un peu comme une promotion scolaire qui, les jours à venir, se recroisera et se reconnaîtra au fil des tronçons ou à une terrasse de bistrot...

Le domaine du Sauvage en Margeride - TVattard

 

Chapelet de chapelles romanes

Saint-Privat-d'Allier représente la première étape historique de la Via Podiensis. Fondé en 1046, le prieuré était un bon refuge dans ces régions alors sauvages et inhospitalières. Ainsi, à une poignée de kilomètres, Rochegude constitue une ancienne place forte à la frontière du Velay et du Gévaudan connu pour sa bête qui sévit au XVIIIe siècle... Sa ravissante chapelle Saint-Jacques offre un point de vue vertigineux sur l'Allier. De l'autre côté de la rivière, à la sortie de Monistrol-d'Allier, la chapelle troglodyte Sainte-Madeleine lui fait écho dans ce registre esthétique. Alors que tombe une pluie passagère, trois copines presque trentenaires, Soline, Alice et Marthe, s'abritent sous la roche. "Nous sommes parties pour quelques jours, impressionnées par le confort de l'organisation, avec les bagages qui suivent. La campagne est vivante, habitée... On alterne les conversations et les moments de silence, au choix, un luxe !", se réjouissent ces citadines en goguette.

Bienvenue en Margeride, à Saugues, où faire tamponner sa créanciale, le passeport du pèlerin, chez Jeanine, près de l'église, dont la porte reste ouverte pour se réchauffer au coin du feu ou boire un café, sous un panneau couvert de cartes postales de ses visiteurs d'une heure. L'autre adresse à ne pas manquer dans ce pays du granit, vaste plateau planté de genêts et parsemé de chaos rocheux : le légendaire refuge le Sauvage. Comme perdu au milieu de nulle part, dans un cadre somptueux, on y fait halte pour un thé ou pour la nuit.

Magazine Chemin(s) volume 1

Chemin(s), le magazine

Un reportage à retrouver dans le volume (1) de notre magazine chemin(s)