Compostelle entre Aire et Roncevaux
De la plaine aux montagnes
Marcher de Gascogne en Navarre, c’est avancer sur une terre de passage et de mémoire. Ce tronçon de la Voie du Puy-en-Velay est un chemin de transition, presque une métaphore du pèlerinage : on quitte le connu, on entre peu à peu dans une autre langue, une autre lumière, un autre relief. De la douceur des Landes aux hauteurs pyrénéennes, chaque pas résonne plus fort. Voici les lieux à ne pas manquer sur ce parcours d’exception, entre mémoire médiévale, spiritualité et culture basque vivante.
1. Aire-sur-l’Adour
Aire-sur-l’Adour fut une ville prospère à l’époque gallo-romaine, traversée par la voie impériale de Bordeaux à Dax. La cathédrale Saint-Jean-Baptiste veille encore sur la ville, construite au XIe siècle sur les reliques de sainte Quitterie, jeune noble wisigothe devenue martyre. Le pèlerin y trouve une atmosphère paisible, presque suspendue.
2. L’abbaye de Sauvelade
Fondée en 1128 par des moines bénédictins, l’abbaye de Sauvelade est un joyau discret du Béarn. Son nom, « Sauvelade », viendrait de silva lata, « la grande forêt », évoquant les bois alentour. C’est un lieu où le temps semble ralenti. Sa nef romane, modeste et lumineuse, invite à la contemplation. Une halte profondément spirituelle, dans l’intimité du chemin.
3. Navarrenx
C’est ici, au bord du gave d’Oloron, que l’on découvre la première ville fortifiée de France selon Vauban. Navarrenx, née bastide en 1316, est aussi une cité militaire du XVIe siècle. Ses remparts imposants, son arsenal, son pont fortifié rappellent que cette terre fut longtemps une frontière, entre royaumes, entre langues. Aujourd’hui, les pèlerins s’y reposent en bord de gave, là où les soldats veillaient.
La meilleure période pour parcourir le Pays Basque
Au printemps, la campagne béarnaise s’éveille, les collines sont fleuries et le climat doux. L’été offre des journées longues et festives (attention toutefois à la chaleur dans les vallées). L’arrière-saison, elle, est peut-être la plus magique : les forêts virent à l’or, les chemins sont plus calmes, et la montée vers Roncevaux se fait dans un silence presque sacré.
4. Saint-Palais
Ancienne capitale royale du royaume de Navarre, Saint-Palais est un carrefour symbolique. À quelques kilomètres de là se trouve la stèle de Gibraltar : le point où convergent les trois grandes voies françaises (Tours, Vézelay, Le Puy). Une sculpture contemporaine y matérialise ce croisement. La vue s’ouvre sur les collines basques : le chemin prend une autre dimension.
5. Pimbo
Aux portes du Béarn, au milieu des champs de maïs et des vignobles, Pimbo interpelle. Par sa petite taille d’abord, puisque c’est l’une des plus petites bastides des landes composée d’une seule rue, pas sa position ensuite, tout en hauteur et face au Béarn, par sa collégiale enfin, une église romane monumentale.
S'arrêter à Saint-Jean ou à Roncevaux ?
S’arrêter à Saint-Jean-Pied-de-Port, c’est clore la Via Podiensis en douceur, dans l’ambiance chaleureuse de la cité basque. C'est également le choix idéal pour continuer par la Camino del Norte. Franchir les Pyrénées jusqu’à Roncevaux, c’est entrer dans la légende : l’effort est réel, la montée intense, mais l’arrivée en Navarre a un goût de victoire. Et surtout, c'est déjà franchir le seuil du Camino Francés, pour mieux le retrouver plus tard.
6. Saint-Jean-Pied-de-Port
Ici, tout parle du chemin. Les pavés irréguliers de la rue de la Citadelle, les coquilles sur les linteaux, les voix mêlées des marcheurs du monde entier. Ancienne capitale da la Basse-Navarre, Saint-Jean-Pied-de-Port fut fortifiée par les rois de France au XIIe siècle. Elle marque aujourd’hui la fin de la voie du Puy… ou le début du Camino Francés, selon le point de vue.
7. Roncevaux
Après l’effort de la montée, rude, mais sublime, vient Roncevaux, niché dans une vallée ombragée. Haut lieu légendaire de la chanson de Roland, c’est ici que le chevalier franc tomba sous les coups des Vascons, en 778. Le monastère augustinien qui accueille aujourd’hui les pèlerins veille sur ce lieu chargé d’histoire, frontière entre deux mondes.
Ce tronçon est une lente élévation : dans le paysage, dans le corps, dans l’esprit. Il dit beaucoup du chemin lui-même : partir, avancer, traverser, puis basculer.