Sur les chemins verts
Rencontre avec Florence, accompagnatrice
Sur les chemins, la nature fait partie intégrante de l'expérience. Changeante au fil des pas, tantôt fragile, tantôt foisonnante, elle accompagne la marche et participe à l'émerveillement. Passionnée par le sujet de la biodiversité et véritable puits de savoirs sur le sujet, ce n'est pas Florence, accompagnatrice de nos groupes de randonneurs au départ du Puy-en-Velay, qui nous dira le contraire : elle a fait des sentiers du Massif central son bureau à ciel ouvert. Elle nous emmène aujourd'hui sur ses chemins verts.
Quel est ton parcours et comment en es-tu venue à l'accompagnement ?
Auvergnate, géographe de formation, passionnée par les milieux montagnards, j’ai obtenu mon diplôme d’accompagnatrice en montagne à la fin de mes études. J’ai ensuite surtout travaillé dans le domaine de l’environnement, de la biodiversité et des paysages principalement au sein des collectivités territoriales. Parce que ce projet trottait dans un petit coin de ma tête depuis longtemps, j’ai repris une activité de guide il y a 4 ans pour m’y consacrer maintenant pleinement avec épanouissement. Selon un principe japonais, je pense avoir trouvé mon « Ikigaï » qui serait la jonction et l’équilibre entre 4 composantes : ce que j’aime faire, ce pour quoi je suis douée, ce dont le monde a besoin, ce pour quoi je veux gagner ma vie.
Quelle est ta vision de ton métier ? Qu'est-ce qui te plaît le plus ?
Je porte un regard attentif sur la nature, sur la gestion durable des ressources et sur la préservation de la biodiversité. J’aime particulièrement comprendre les paysages qui nous entourent et mettre le nez dans les cartes topographiques. Je m’intéresse aux plantes sauvages comestibles car j’aime glaner et transformer les ressources au fil des saisons. J’aime partager ma connaissance et ma compréhension des territoires avec les personnes que j’accompagne à travers une approche sensible, en cherchant à révéler les liens affectifs que nous avons tous avec la nature. J’apprécie aussi toute la dimension humaine de ce métier, gérer un groupe, faire en sorte que chacun trouve sa place, passer un bon moment. L’humour a une place privilégiée dans ce métier. J’aime particulièrement les itinérances. Quel que soit le temps qu’il fait, la forme du jour, il faut avancer, ce qui favorise souvent de la cohésion, de l’entraide et du dépassement de soi.

Est-ce que les marcheurs sont différents sur ce chemin ?
Entre le Puy et Conques, le chemin traverse des territoires du Massif central, le Devès, la Margeride, l’Aubrac, les gorges de l’Allier… que je connais bien pour les avoir arpentés à pied ou en vélo et que j’affectionne particulièrement. C’est donc très naturellement que je suis venue à encadrer des groupes sur ce secteur comme je peux par exemple le faire sur les volcans d’Auvergne. Le chemin est toutefois singulier par sa dimension historique et sa charge spirituelle. Je reste impressionnée en imaginant le nombre de marcheurs qui sont passés ici depuis des siècles. Les personnes qui viennent ici ont toutes des motivations différentes, spirituelles ou non, mais il y a entre tous les marcheurs beaucoup d’interaction, qu’on ne retrouve pas forcément ailleurs.
Quel(s) conseil(s) donnerais-tu aux marcheurs sur ce chemin ?
Le chemin de Compostelle reste bien accessible, à conditions de ne pas être trop ambitieux sur les étapes et de ne pas négliger les conditions météorologiques, notamment sur les hauts plateaux du Devès, de la Margeride et de l’Aubrac. Même en été, le climat peut devenir rude. En période de canicule, l’ombre y est rare. Par ailleurs, il convient de voyager léger, ne pas s’encombrer, quitte à mettre de côté un peu de confort, et de profiter du chemin pour remplir sa journée de sensations, de contemplations, d’échanges en faisant abstraction de sa connexion à internet et les réseaux.
Quelles sont les spécificités de la flore du Chemin ?
Le début du Chemin est un voyage dans le Massif central, terre de hauts plateaux dont la biodiversité, la géodiversité et l’occupation humaine présentent de multiples facettes, un régal pour le randonneur. Le rythme de la marche permet de contempler les paysages, s’imprégner de l’esprit des lieux, observer, ressentir, toucher, sentir… En parcourant le fertile plateau volcanique du Devès on découvre à quoi ressemble un cône de scories mais aussi un pied de lentille. En Aubrac, on est saisi par l’immensité des prairies habillées de murets en pierre et ponctuées de chaos rocheux aux aspects enchanteurs, avant de plonger dans l’intimité reposante des forêts des vallées du Lot et de ses affluents.

Existe-t-il des plantes comestibles ?
Au gré du chemin, on peut prendre le temps de découvrir de nombreuses plantes comestibles. On évoque l’apéritif en croisant la Grande gentiane jaune, on peut gouter les feuilles de la Pimprenelle au gout de concombre, on peut sentir le parfum puissant du Fenouil des Alpes, on peut mettre dans sa poche un brin d’Aspérule odorante pour découvrir avec surprise le lendemain son arôme de vanille, de foin coupé et de fève tonka. Et on mange avec gourmandise et simplicité des framboises sauvages.
Sur cette partie du Chemin, à quoi le marcheur doit-il être attentif pour éveiller sa conscience face à l’environnement qui l’entoure ?
Ce voyage donne matière à aborder de nombreuses problématiques environnementales. En franchissant les gorges de l’Allier, on évoque la grande difficulté du Saumon atlantique à rejoindre ici ses zones de frayère. La traversée de la Margeride, cette terre austère du Massif central granitique encore hantée par la bête du Gévaudan, est un prétexte pour parler du retour du Loup en France. En levant les yeux, le marcheur observera forcément le magnifique Milan royal, rapace uniquement présent en Europe et pour la lequel la Haute-Loire et le Cantal ont une forte responsabilité.
Terminons avec les nourritures intellectuelles... As-tu des lectures à recommander ?
Deux ouvrages liés au cheminement me viennent en tête. De par mon regard sur l’environnement, je conseillerais « Le droit du sol », une BD d'Étienne Davodeau qui à travers sa longue marche dans la France profonde, interroge sur ce qu’on laisse aux générations futures. Et en raison de ma sensibilité aux paysages et aux cartes, « Sur les chemins noirs » de Sylvain Tesson est une évidence (le livre, pas le film !). Enfin, j’invite les marcheurs à écouter des interviews de Marie Hélène Lafon ou à lire ses romans, car personne ne sait mieux qu’elle parler des hauts plateaux du Massif central et de ses habitants. Elle évoque avec beaucoup de sensibilité la puissance et l’austérité de ces territoires et l’attachement que l’on peut ressentir les concernant.