Benoît, accompagnateur Via Compostela

Peur de vous lancer seul·e·s, doutes sur vos talents de randonneur·euse·s, appréhension d’une logistique qui vous paraît trop lourde… Nombreuses sont les personnes qui rêvent de faire le Chemin, mais qui n’osent pas sauter le pas. Et si vous partiez en groupe accompagné ? Benoît Courant, accompagnateur Via Compostela sur nos départs en petits groupes constitués, ne compte plus les fois où il a parcouru le chemin depuis qu’il y a posé le pied il y a 20 ans. Notre expert vous dit tout sur le Chemin, sur son métier, et livre ses conseils de pro aux primo-pèlerins.

Randonneur sur le chemin de Compostelle, en groupe accompagné

 

Quelle est ta vision de ton métier ? Le plus important dans ta pratique, ce qui te plaît le plus ? 

Mon métier est de permettre aux gens de s'évader de leur quotidien, de leur faire découvrir ce dont ils ont "rêvé", d'ouvrir des portes qu'ils n'auraient peut-être pas poussées seuls, de leur faire regarder ce qu'ils n'auraient peut-être pas vu en pèlerin solitaire. Ce qui me plaît dans l'accompagnement, c'est la convivialité ; c'est de partager tous ces bons moments avec le groupe, et d'en être l'instigateur en préparant les pique-niques, en laissant à mes marcheurs des temps qu'ils s'approprient, de visites, de détente le soir à l'hébergement, de discussions… Ils n'ont pas à s'occuper du timing de la journée : c'est mon travail de faire en sorte qu'ils profitent de tout en chemin, photos, pique-niques détendus, siestes, visites, moments de convivialité autour d'un verre... sans se soucier de la logistique. J'ai autant de bonheur que les clients quand ces derniers sont heureux.

 

Pour certains, Compostelle est une démarche qui doit se faire seule… Alors, pourquoi le faire en groupe accompagné ?

Sur le Saint-Jacques, on trouve des marcheurs, des non-marcheurs, des sportifs, des jeunes, des moins jeunes, des chômeurs, des retraités, des employés, des étudiants, des gens malades, des gens qui ont guéri… Je vous laisse imaginer le panel des chaussures de randos que cela peut donner le soir aux refuges ! Alors, ici plus qu'ailleurs, les motivations et les envies de chacun sont différentes. Il y a des personnes qui partent en groupes accompagnés tout simplement pour ne pas marcher seules, d'autres parce qu'elles sont novices dans la pratique de la randonnée, ou parce qu'elles souhaitent approfondir leurs connaissances grâce à l'expertise d'un guide, d'autres encore qui sont attirées par l'idée d'une prise en charge totale qui leur permet de vivre pleinement et sereinement l'expérience Compostelle...  Seul, en couple, entre amis, en groupe accompagné, sac au dos ou transporté, chacun dans sa sincérité a le droit de réaliser son rêve de la manière qu'il souhaite et de le faire avec le respect des autres.

 

La différence entre les groupes « Compostelle » et les groupes de randonneurs « classiques » que tu accompagnes ?

Outre un intérêt accru pour l'histoire du chemin et du patrimoine croisé en route, je dirais sans hésiter : les rencontres. J'aime beaucoup provoquer l'échange avec le marcheur seul, le pèlerin, inviter le passant à partager notre pique-nique, parfois même le repas du soir - il arrive que des clients offrent ce repas ! Les liens se nouent plus facilement ici qu'ailleurs. Sur ce chemin, on retrouve des intérêts plus ou moins prononcés liés aux faits spirituels, des discussions parfois plus profondes ou poussées dues par exemple à une personne qui parle de sa maladie, de son expérience.

 

Une rencontre qui t’a marqué sur le chemin cette année ?

Il y a eu celle de David, artiste et animateur Suisse qui dresse les pierres en équilibre le long du chemin.  Je ne le connaissais pas quand nous nous sommes rencontrés, mais lui m'a reconnu comme étant le "sauveur" de son amie Sarah, danseuse sur le chemin dont j'avais soigné les pieds ! Il m'a aussi raconté que quelques jours auparavant, dans un village de Margeride, par une pluie orageuse, un paysan les avait invités, lui et ses… onze compagnons de route ! à s'abriter puis à dormir dans sa grange, après de belles agapes partagées dans sa petite cuisine. Il y a eu aussi Marie, qui nous a raconté son accident, son combat pour retrouver une vie normale et dont le sourire a envahi tout le groupe. Ces deux personnes me sont chères maintenant.

 

Tes conseils, équipement et préparation pour quelqu’un qui souhaiterait se lancer ?

Pour vous mettre en route seul et loin, partez serein, l'entraînement n'est pas le plus important. Que vous vous lanciez avec une agence ou non, ménagez votre monture ! Sur un itinéraire au long cours comme celui-ci, il faut démarrer tranquillement. Le corps va être soumis à beaucoup de changements : l'altitude, le couchage, la nourriture, la météo parfois, le rythme de la journée… La première semaine sera donc celle de l'acclimatation. Il n'y a jamais de retard sur l'itinéraire, les accélérations et le repos seront dictés par le terrain et les rencontres ! Oubliez le manuel du parfait randonneur, celui qui vous fait dépenser une fortune en équipement ou culpabiliser de ne pas courir le marathon. Il faut partir léger : c'est pour cela aussi que nous proposons des randonnées accompagnées et du portage de sac pour les randonneurs en formule liberté. Vous trouverez de l'eau et des robinets tout le long du chemin, ne pas se surcharger de 3 L par exemple.  Je ne calcule plus le nombre de fois où j'ai refait intégralement les sacs à dos de pèlerins, leur proposant de renvoyer leurs affaires par la Poste, ou de les laisser à d'autres marcheurs ! Vous pouvez également adopter dès le début des chaussures légères avec un très bon amorti, crantées et basses qui vont permettre de bien muscler les chevilles.

Magazine Chemin(s) volume 4

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