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La voie du Puy sous la pluie

Par Jean-Pierre

Compostelle sous nos ponchos

Préparation

 

Ça y est, c’est décidé et réservé, nous nous lancerons sur le chemin de Compostelle du 8 au 15 mai 2017, à quatre, Brigitte et moi d’un côté, Josiane et Bernard de l’autre.

Une telle expédition se prépare minutieusement. Nous avons investi dans de bonnes chaussures, des sacs à dos et divers équipements. Un peu d’entraînement était nécessaire : nous avons ainsi participé à des sorties hebdomadaires avec notre association de randonnée, complétées par quelques randonnées privées. Cela a permis de roder chaussures et muscles. Notre plus longue étape d’entraînement a atteint 22 km en un peu plus d’une demi-journée. Certes, en Bretagne du Sud, sur La Baule ou les marais salants de Guérande, le terrain est plat avec peu de dénivelé. Mais l’objectif principal était de marcher.
 

Lundi 8 mai 2017 – Jour 1

Nous sommes arrivés au Puy-en-Velay la veille, l’occasion de visiter la ville et de récupérer une crédenciale (sorte de carnet dans lequel toutes les étapes du pèlerin sont inscrites et tamponnées) à Notre-Dame-du-Port.

À 6 h du matin, l’alarme du téléphone de Brigitte nous rappelle aux réalités. Après une toilette rapide, nous descendons à 6 h 29 dans la salle à manger de l’hôtel. Le petit déjeuner, servi sous forme d’un buffet copieux, est en libre-service.

À 7 h 50, nous regagnons nos chambres, finalisons nos bagages et les déposons à l’endroit convenu. Tandis que nos deux sacs sont pris en charge par la Malle Postale, nous gardons chacun un sac à dos contenant nos pique-niques, vêtements de pluie, eau et quelques éléments de pharmacie.

Nous trouvons rapidement les premières indications et balisages du célèbre chemin. Le ciel est couvert, mais il ne pleut pas. Avec une température autour de 10 °C, nous avons enfilé nos K-way. La route goudronnée grimpe fortement, mais le groupe tient bon, aidé pour certains par des bâtons. D’autres pèlerins nous rattrapent déjà, notamment un couple d’Aveyronnais dont l’épouse est originaire de Saint-Chély-d’Aubrac, notre destination finale. Quelques mots échangés suffisent pour plonger dans l’atmosphère du chemin : les rencontres commencent.

Le balisage est parfaitement clair. Grâce au guide Michelin, nous suivons facilement les dénivelés, distances et villages croisés. Après 2,5 km, nous atteignons Val Près le Puy. C’est probablement le tronçon avec le plus fort dénivelé : de 630 m au Puy, nous sommes passés à 791 m. La montée continue jusqu’à La Roche, 3 km plus loin, à 877 m d’altitude.

Les paysages sont superbes : fermes isolées en pierre, arbres verdissants, et prairies vallonnées où des vaches broutent, nous observant avec désintérêt. Dans certains champs, les plants de lentilles du Puy commencent à germer.

Quelques pèlerins apparaissent çà et là. Le calme n’est troublé que par le chant des oiseaux. Bien que quelques gouttes de pluie se fassent sentir, rien de sérieux ne vient altérer notre allure, autour de 4 km/h. À 12 h 30, nous arrivons à Monbonnet, ayant parcouru 16 km depuis notre départ.

Après une courte pause, nous repartons, nourrissant deux chevaux et des poules avec le pain restant. Nous montons à 1206 m, atteignant le sommet des monts du Devès après avoir traversé une forêt de pins. Les arbres, immenses et verticaux, semblent chercher le soleil.

En lisière, un tas d’agrumes intrigue : sans doute un lieu de reboisement, vu l’alignement rigoureux des arbres. La montée terminée, nous amorçons la descente vers Le Chier (un nom pour le moins singulier). Un petit cours d’eau, le Rouchoux, serpente entre les rochers, traversé par de charmants ponts en bois. Le nombre de pèlerins augmente à mesure que nous approchons de Saint-Privat-d’Allier.

Les paysages restent magnifiques, et les maisons en pierre de lave dégagent un charme indéniable, témoins d’une construction faite pour durer. Au détour d’un virage, le village de Saint-Privat-d’Allier surgit. Son église, perchée sur un éperon rocheux, offre un profil remarquable. Nous achevons cette première étape de 23,5 km, fatigués mais satisfaits.

Mardi 9 mai 2017 – Jour 2

À 6 h 30, la sonnerie du smartphone nous tire du sommeil. L’étape du jour est prévue sur 19 km. En examinant le profil du parcours dans notre guide Michelin, nous anticipons des difficultés, avec de nombreuses montées et descentes. Dehors, le thermomètre affiche 5 °C : l’air est frais.

Déjà, des pèlerins entament l’ascension. Le couple d’Aveyronnais rencontré la veille nous salue chaleureusement. Sur un promontoire orné d’une croix, une tente légère Ushuaïa est dressée, sans doute celle d’un pèlerin pratiquant le camping sauvage.

Le relief s’adoucit à mesure que nous approchons des Monts du Devès (938 m). Les paysages, toujours aussi beaux, stimulent notre avancée. Bernard multiplie les photos, le numérique offrant une liberté inégalée. Nous croisons deux jeunes Réunionnaises, et l’occasion est trop belle pour ne pas échanger sur cette île que Josiane et Bernard ont parcourue à pied il y a quelques années, notamment le célèbre cirque de Mafate. Le chemin favorise ces rencontres et moments de partage.

Nous atteignons le col de Rochegude (938 m) après environ 3 km. L’air frais vivifie les randonneurs. Dans la descente, la prudence est de mise : les bâtons de marche s’avèrent précieux pour ceux qui en possèdent. La pente continue jusqu’à Pratclaux (760 m), avant de nous mener à Monistrol-d’Allier, point le plus bas de l’étape, à 599 m, après 6,9 km. Le chemin est parfois délicat : rochers, fortes déclivités, passages boueux ralentissent l’allure. Mais peu importe, la sécurité prime.

À Monistrol-d’Allier, que nous atteignons à 10 h 40, nous traversons l’Allier par un pont réservé aux piétons. De là, nous apercevons les conduites d’eau forcées alimentant les turbines de l’usine hydroélectrique construite en 1926. Des panneaux expliquent qu’au temps de Napoléon III, 6 000 ouvriers furent mobilisés pour construire la voie ferrée jusqu’à Brioude, un ouvrage colossal au vu des obstacles naturels. Ayant déjà emprunté le célèbre train Cévenol, je confirme ces défis : ce train Corail, longeant les gorges, dépasse rarement les 40 km/h.

La première véritable difficulté de la journée est la montée vers la chapelle troglodytique de la Madeleine, à Escluzels. Ce tronçon d’1 km est extrêmement raide. Une fois la chapelle atteinte, le chemin devient plus praticable en direction de Montaure. Après 4 km depuis Monistrol-d’Allier, nous avons gravi un dénivelé impressionnant, passant de 599 m à 1 022 m.

Depuis Montaure, l’itinéraire est plus clément. Sur 3,7 km, l’altitude varie seulement entre 1 022 m et 1 065 m, malgré quelques descentes ponctuelles. Nous prenons le temps de discuter avec un habitant d’Escluzels, un hameau dominant Monistrol-d’Allier. Il nous raconte que la plupart des maisons sont devenues des résidences secondaires. De sa main, il nous indique la maison d’un parisien, un peu plus loin celle d’un anglais. Le hameau offre une vue aérienne du fleuve qui serpente dans la vallée. Au loin sur une crête, les ailes des éoliennes tournent lentement.

Il est presque 16 h lorsque nous atteignons notre maison d’hôte. Là, je discute avec deux Australiennes savourant un verre de vin blanc. L’une d’elles a parcouru 300 km en Espagne sur le chemin de Compostelle. Toutes deux sont originaires de Melbourne.

En apéritif, un kir à la verveine nous est offert. Le repas débute par une délicieuse soupe aux lentilles du Puy, suivie d’un bœuf bourguignon, plateau de fromages et crème brûlée à la Verveine. Le petit chien de notre hôte lui inspire une anecdote. Il nous explique qu’il avait commandé un gros chien sur Internet et à la livraison, oh surprise ! C’est un petit chien qui lui a été livré. C’est aussi cela internet. Il est 21 h quand les convives se séparent. Nous avons le souci d’être à l’heure pour les bagages car c’est par les Gabales que ce moyen de transport passera en premier à 8 h demain matin.

Casse-croûte réparateur

Pique-nique dans l'herbe

Mercredi 10 mai 2017 – Jour 3

Le réveil est programmé pour 6 h. La météo annonce de la pluie pour l’après-midi. Le petit déjeuner est simple mais délicieux : pain frais, pain grillé, brioche, yaourts maison, beurre, miel, jus d’orange, café et thé. Si la quantité peut sembler modeste, la qualité est au rendez-vous.

Peu chargés en ravitaillement, nous quittons Saugues et, après un court passage sur une route goudronnée, empruntons un chemin de terre. La montée débute doucement, et nous franchissons un cours d’eau : le Seuge. Partis de 960 m d’altitude, nous atteignons le Pinet, à 1 030 m, après 3 km. Une traversée de forêt plus tard, nous recroisons le Seuge avant d’arriver à La Clauze, 7 km après notre départ, à 1 091 m d’altitude.

Nous alternons des descentes et montées et les champs qui bordent notre chemin sont fleuris de pissenlits formant des tapis jaunes. Nous traversons le hameau du Falzet, perché à 1 134 m d’altitude, après 10 km de marche. Sans nous presser mais avec une allure soutenue, notre moyenne dépasse 4 km/h, c’est que l’étape du jour est de 32km !

Le vent souffle toujours de face, mais malgré les nuages gris, il ne pleut pas. Depuis hier, nous avons remarqué un rapace tournoyant dans le ciel, semble nous suivre. Il chasse sûrement mais est‐ce le même que la veille. Ou bien aurait‐il aussi décidé de faire le chemin de Compostelle en notre compagnie ?

Notre progression nous mène à une nouvelle montée à travers une forêt de pins, avant que le paysage ne devienne plus désertique, évoquant la végétation du plateau du Larzac. Nous entrons dans le domaine du Sauvage, que nous atteignons vers 12 h 30.

Après une pause bien méritée, nous reprenons la route à 13 h 15. Si cette halte nous a fait du bien, nos mollets peinent à retrouver leur rythme.

Partant de l’auberge du Sauvage, perchée à 1 292 m, le chemin continue de grimper. Sur la route, nous croisons une pèlerine qui voyage dans le sens opposé au nôtre, accompagnée d’une chienne portant des sacoches sur son dos. Selon sa maîtresse, elles contiennent sa gamelle, de l’eau, une laisse et un peu de ravitaillement. L’animal, paisible et doux, se laisse volontiers caresser. Ces rencontres inattendues ajoutent à la magie du chemin de Compostelle.

Nous passons la frontière départementale, quittant la Haute-Loire (43) pour entrer en Lozère (48). La route goudronnée cède la place à un sentier en pente bordé de murets en pierre. Quelques gouttes de pluie nous rappellent les caprices de la météo, mais elles ne durent pas.

Enfin, nous atteignons Saint-Alban-sur-Limagnole. Comme la veille, une indication manquée nous fait emprunter une descente sur route goudronnée pour rejoindre le village. Aucune pancarte ne signale la direction de notre auberge. Heureusement, un habitant croisé sur notre chemin nous oriente aimablement. Il en profite pour confirmer que le temps sera exécrable demain. Malheureusement, nos contraintes d’itinéraire et d’hébergement ne nous permettent pas de reporter l’étape suivante à des jours plus cléments.

Chapelle Saint Roch

Chapelle Saint Roch

Jeudi 11 mai, Jour 4

A 6 h 45,nous sommes réveillés.

Couchés tôt, nous n’avons nul besoin d’un réveille matin. La pluie est tombée dans la nuit. Pour l’instant le ciel est couvert mais la pluie s’est arrêtée. Sur la grande place nous apercevons le canon de 75 fabriqué par la société Troump qui en a fait don à la ville en souvenir de la guerre de 1870. La température extérieure est de 7°C sous un fin crachin.

Nous avons remarqué que depuis que nous sommes en Lozère, un soin particulier est apporté sur les poteaux signalant le chemin de Compostelle. En plus de l’inscription : « chemin de Compostelle », une magnifique coquille de Saint Jacques de couleur bleue orne le panneau indicateur.

La pluie est fine mais n’interrompt pas notre marche. Le chemin pierreux est recouvert de flaques d’eaux que nous devons contourner ou enjamber. Le chemin est faiblement vallonné et au bout de 2,5 km nous atteignons Grazières Mages en ayant perdu un peu d’altitude (950 m). Nous traversons la départementale D87 pour franchir sur un pont le cours d’eau La Limagnole. Le débit et le courant semblent importants. A partir de là, le chemin grimpe entre les rochers. Le paysage est différent de ce que nous avons vu jusqu’à présent. Cependant, les champs sont toujours verdoyants et les pissenlits ont disparu.

Depuis que nous marchons sur la voie Podiensis, nous sommes surpris qu’à part les pèlerins nous ne rencontrions pas d’autres personnes. Nous ne voyons aucun des habitants des hameaux traversés. Quelquefois un agriculteur juché sur son tracteur et c’est pratiquement tout.

Le chemin remonte et les racines des pins offrent des marches pour gravir la pente. Il est 11 h 20 quand nous atteignons Bigose (972 m). Après 2 h 20 de marche, 9 km ont été parcourus.

A la sortie du hameau, nous traversons une zone boisée de pins qui nous permet de poursuivre la reprise de hauteur. Petit arrêt pour grignoter quelques barres de céréales. Nous ne sommes plus très loin de l’arrivée et nous prenons la décision de faire la halte casse croûte à la destination finale d’Aumont Aubrac.

Le chemin devient plus facile et nous apercevons au loin les habitations de la commune. Il est 12 h 10, quand la pancarte de l’entrée de l’agglomération se présente à nous. Par un sentier bien gorgé de flaques d’eau, nous gagnons le centre ville. Le hasard des rencontres est en notre faveur car un spectacle s’offre à nous. Un petit troupeau d’une quarantaine de moutons vient à notre rencontre, encadré sur son arrière par le berger qui conduit son véhicule automobile. Apparemment, ses animaux connaissent leur destination car au croisement, sans hésiter, les animaux empruntent la route de gauche.

Nous finissons la journée par une bière bien méritée, un détour dans la ville à la recherche de la meilleure fromagerie du coin, et un bon repas malgré une table d’australiennes un poil trop bruyante.

Un troupeau bien discipliné

Un troupeau bien discipliné

Vendredi 12 mai, JOUR 5

Réveil à 6 h 30. La première tâche de la journée est de récupérer nos sandwichs à la boulangerie. À 7 h 15, nous sommes dans la salle du bar pour un petit-déjeuner copieux, servi en libre-service : yaourts, fruits, pains au chocolat, brioches, croissants, corn flakes, fromages, jus d’orange. Le pain frais est excellent.

Le ciel est couvert, mais il ne pleut pas. Rapidement, nous quittons la route goudronnée pour emprunter un chemin caillouteux. La route est légèrement vallonnée, sans réelle difficulté. Les pluies de la veille ont laissé des flaques, mais nous les contournons par les bordures herbeuses. Notre rythme est soutenu : nous atteignons rapidement La Chaze de Peyre, à 1 035 m d’altitude, après 4,5 km de marche. Malgré une légère perte d’altitude, la température reste agréable. Encore un petit effort, et nous atteignons la chapelle de Bastide, qui se dévoile aux visiteurs. À Lasbros, 7 km après notre départ, nous retrouvons un chemin pierreux. Les tapis de pissenlits ont laissé place aux jonquilles.

À 10 h 30, une pluie fine commence à tomber. Nous enfilons rapidement nos ponchos, qui couvrent également nos sacs à dos. Le vent nous fouette le visage, mais le décor de l’Aubrac nous fascine : sauvage et naturel, avec des habitations en pierre de lave isolées au milieu des champs ou perchées sur les hauteurs. Ces refuges semblent destinés aux troupeaux ou aux bergers.

En bordure du chemin des haies de pierres limitent les parcelles. On admire ce travail des anciens dans cet environnement plutôt inhospitalier. Les vaches de l’Aubrac et leurs veaux nous regardent passer d’un œil mélancolique.

Après 16 km, nous atteignons Finierols. L’orage gronde, et la pluie redouble d’intensité. Un gîte bordant le chemin nous offre un refuge inespéré : une petite cabane en bois équipée d’un comptoir, de tables et de chaises. Une cloche suffit à appeler le propriétaire, qui nous accueille chaleureusement et nous autorise à déjeuner à l’abri. Lorsque nous reprenons la route, la pluie a faibli.

Après un bref passage sur une route goudronnée, nous retrouvons un chemin pierreux qui nous mène au col du Roc des Loups, à 1 257 m d’altitude. La descente vers Rieutort est ponctuée de deux ponts de bois surélevés, permettant de franchir des zones marécageuses. Plus loin, nous traversons le ruisseau Peyrade sur un pont de pierre. Nous atteignons Rieutort après 20 km de marche.

Sur ce tronçon, le chemin serpente entre deux murets de pierre chargés d’histoire. Nous avons l’impression de suivre le sentier authentique des pèlerins d’autrefois. Par moments, le chemin se rétrécit, et un mince filet d’eau, alimenté par la pluie, s’écoule au milieu. Au loin, le ciel s’éclaircit, et avant d’arriver à Montgros, le soleil perce à travers les nuages. Nous retirons nos ponchos. Sur le chemin, nous croisons les Martiniquaises rencontrées au début de notre périple. À Montgros, un magnifique pont en pierres, surmonté d’une croix, enjambe la rivière Bès, dont le flot puissant rythme le paysage. A la sortie du pont, 4 vaches et leurs veaux sont couchés sur l’herbe. Après un dernier petit raidillon, nous entamons la descente vers Montgros et ses premières maisons.

Une halte rafraîchissante à l’auberge Marie nous permet de déguster une bière et de retirer quelques couches de vêtements, car le soleil commence à chauffer. Il ne nous reste plus que 2,5 km pour rejoindre Nasbinals et notre hôtel du jour.

Samedi 13 mai, jour 6

6 h 45, le réveil sonne. Dehors, la pluie tombe encore. Cela fait quatre jours que la pluie tombe sur Nasbinals.

Le parcours du jour, qui nous mène à Saint-Chély-d’Aubrac, est relativement court : seulement 17 kilomètres. Cependant, aucun point de ravitaillement ne se trouve sur notre chemin. On nous conseille donc de tout acheter en ville avant le départ.

À 8 h 40, nous tentons d’acheter des fruits dans une petite épicerie, mais malgré l’heure d’ouverture, la serveuse, absorbée par le réapprovisionnement des rayons, ne répond pas à nos frappes sur la devanture. Qu’importe, le copieux déjeuner nous a permis de confectionner des petits sandwichs au saucisson et au fromage. Le gâteau aux miettes de chocolat nous servira de dessert.

Le groupe avance plus lentement que la veille. Brigitte surmonte ses douleurs et difficultés dues à la présence d’ampoules à ses deux pieds. La montée devient plus rude et caillouteuse avant d’entamer une déclivité et franchir sur un pont le ruisseau de Chamboulies. La montée est raide pour atteindre Pascalet à 1 240 m d’altitude alors que nous avons parcouru 4 km.

La montée est plus facile sur 3 km à travers un chemin gorgé d’eau et des champs dans lesquels l’eau ruisselle de partout. Nous franchissons plusieurs gués sur des rochers judicieusement disposés. L’environnement est très herbeux. Quelques constructions en pierres à flanc de coteau font penser à des refuges d’alpages pour les animaux. Il nous faut franchir des barrières que l’on referme derrière soi. Des poteaux en bois balisent le chemin. Rares sont les repères blanc et rouge du GR 65. Enfin, nous atteignons le plus haut point de notre parcours du mont d’Aubrac à 1 324 m. Une petite cabane en bois marque le franchissement de ce col. C’est la descente sur Aubrac à 9km de notre point de départ.

Le village se découvre dans un creux au détour d’un virage. Il est ramassé autour de son église qui fut au XII° siècle un hôpital, lequel hôpital a contenu jusqu’à 32 infirmières et quelques chevaliers pour soigner et protéger les pèlerins des brigands qui sévissaient.

La descente est délicate, rochers, cailloux, boue, il faut s’aider de bâtons. Tels les menhirs d’Obélix, deux d’entr’eux se dressent devant nous. Nous trouvons à un croisement du chemin de petits rochers accueillants.

Il est 12 h 45, le soleil brille avec un beau coin de ciel bleu au dessus de nous. C’est l’heure de sortir du sac de quoi se restaurer. Le saucisson du petit déjeuner est toujours aussi bon. Un jeune couple de pèlerins nous donne le bonjour en passant. Un peu plus tard, c’est un couple plus avancé en âge qui se présente à son tour. Sans un mot de salutation, ils nous interrogent sur la branche du chemin à emprunter. La bonté de Bernard lui fait spontanément réagir pour indiquer la bonne direction. Le bonjour traditionnel entre pèlerins ne semble pas encore être acquis par ces personnes. Je propose qu’à l’avenir, en représailles de l’absence d’un bonjour, aucune indication ne sera fournie sur la bonne direction à prendre. Cela n’a pas tardé, car deux jeunes filles se présentent sans un mot et s’engagent dans la mauvaise branche. Nous ne les reverrons pas. Seraient‐elles définitivement perdues ? Pas de remords, l’abandon de l’esprit de ce chemin a ses conséquences. destination ? Qui sait. Sur le chemin de Compostelle, chaque acte a ses conséquences.

Vu de loin et de haut, je crois deviner des bisons car notre route est proche d’une réserve en contenant. Ce n’est qu’en dépassant Berlivet que ces bisons s’avèrent être des vaches écossaises de race Highlander. Au kilomètre 13, nous traversons le hameau de Berlivet. Les toitures des habitations sont constituées de pierre de Lauze. Vu de loin, ce type de couverture fait penser à des écailles de poisson.

La descente est très raide, caillouteuse, boueuse avec un cours d’eau qui circule au milieu du chemin. D’autres ruisseaux chantent sur leur cascade et accompagnent de leur musique notre randonnée. Nous déduisons que nous avons atteint Del Sail (916 m) du fait de la présence d’une seule construction. Nous ne sommes qu’à 2 km de l’arrivée. Le chemin est étroit et bordé de noisetiers. Nous finissons le parcours sur 800 m de route goudronnée qui nous conduit à Saint Chely d’Aubrac. Il est 15 h 10 quand nous arrivons à l’hôtel situé au centre du village.

Pose de la pierre à l'édifice

Pose de la pierre à l'édifice

Dimanche 14 mai, JOUR 7

6 h 45. Plus besoin de réveil, notre rythme matinal s’est bien ajusté depuis le début du voyage. Dehors, le soleil est revenu, même si l’air reste frais.

Ce matin, nous avons commandé des paniers pique-nique à la réception, car nous devons rejoindre le Puy-en-Velay en fin de matinée. Notre trajet de retour s’effectuera par la même Malle Postale qui a transporté nos bagages tout au long du voyage.

Nous ne sommes pas les seuls voyageurs ; deux autres couples monteront également à bord. Lorsque le chauffeur se présente, il se déclare enchanté d’enfin connaître les visages des personnes dont il ne connaissait que des noms inscrits sur des étiquettes.

C’est en arrivant en Loire Atlantique que nous retrouvons du beau temps. Voila une épopée qui se termine, la tête pleine de souvenirs et riche de cette expérience.

On ne peut terminer un tel voyage sans quelques commentaires généraux. Emprunter ce chemin mythique appartenait aux rêves des deux couples depuis de nombreuses années. Ce rêve s’est concrétisé sur une faible partie des 1 500 km à parcourir pour rejoindre Saint Jean Pied de Port. Les quelques 150 km parcourus ne sont nous l’espérons qu’une étape.

Le parcours dans l’Aubrac est, aux dires de ceux qui nous ont précédés, le plus beau. Nous partageons ce point de vue, nous n’avons pas été déçus par la beauté sauvage des paysages.